Certaines entreprises françaises ont fait face à des pertes d’exploitation colossales pendant le confinement. Les assurances “pertes d’exploitation” ne couvraient qu’une petite partie d’entre elles. Mais le bras de fer entre les commerçants et les assureurs ne fait sans doute que commencer…
Le confinement faisant suite à la pandémie de Covid-19 a frappé de plein fouet les entreprises françaises. Dans certains secteurs d’activité, les pertes d’exploitation ont été considérables. Or, la plupart des entreprises disposaient d’une assurance couvrant ces pertes en cas de fermeture subie. Mais, dès le début de la crise, les assureurs ont collectivement déclaré qu’aucun de ces contrats ne couvraient le risque d’une pandémie.
Oui, certains contrats “pertes d’exploitation” couvrent bien le risque d’une pandémie !
A l’analyse, cette affirmation a semblé exagéré. La majorité des contrats pertes d’exploitation nécessitent certes un dommage matériel pour justifier une indemnisation. Mais certains contrats, assez rares, offrent une garantie pertes d’exploitation sans dommage. Ils couvrent ainsi les fermetures administratives, et donc les effets du confinement.
De plus, parmi les autres contrats, certains ouvrent tout de même à une indemnisation, même si le Covid-19 n’a provoqué aucun dommage. En effet, selon l’avocat spécialisé dans l’assurance Jérôme Goy, “la rédaction maladroite [de ces contrats] a détaché la garantie de pertes d’exploitation, qui devient donc une garantie autonome. Or, le droit français prévoit que le doute en matière contractuelle est toujours interprété au bénéfice de l’assuré. L’assuré peut alors se prévaloir de sa garantie de pertes d’exploitation et ce, même en l’absence de dommage matériel garanti”.
Le régulateur des assurances a ainsi récemment statué, au terme d’une longue enquête, que 3 % des contrats “pertes d’exploitation” couvraient explicitement le risque pandémique. Et que 4 % d’entre eux étaient ambigus, laissant le choix à l’appréciation d’un juge. On retrouve le chiffre avancé par le directeur général d’Axa, Thomas Buberl, après avoir été contraint d’indemniser un restaurateur qui l’avait attaqué en justice. Pour lui, “moins de 10 % des assurés” disposaient d’un contrat comme ce restaurateur.
Des pertes indemnisables considérables
Le chiffre peut paraître faible, mais il représente des dizaines de milliers d’entreprises. Pour des indemnisations parfois très importantes. Selon Jérôme Goy, un magasin de meubles et d’électroménagers au chiffre d’affaires annuel de 12 millions d’euros peut ainsi prétendre à une indemnisation de 1,5 million d’euros.
Mais le décompte est aussi valable pour les petits commerçants : “Prenons l’exemple d’une boulangerie enregistrant un chiffre d’affaires habituel de 500 000 euros par an et encaissant une chute de 80 % de son activité sur 3 mois. Après application d’un taux de marge de 30 %, les pertes d’exploitation indemnisables atteignent 30 000 euros”, expose l’avocat.