En France, l’exécutif continue de plancher sur le futur dispositif d’assurance, protégeant les entreprises contre les effets de pandémies comme le Covid-19. Un groupe de travail a présenté ses premières conclusions, mi-juillet 2020. Une phase de consultation publique s’est ouverte depuis. Mais l’état des débats suscite le scepticisme de nombreux acteurs du secteur. Après les assureurs, les entreprises et le réassureur public CCR, les réassureurs privés sont montés au créneau.
Une majorité des entreprises touchées par la crise du Covid-19 et les fermetures administratives n’ont pas pu recevoir d’indemnisations “pertes d’exploitation” de la part de leurs assureurs. Les contrats en vigueur, dans leur majorité, ne couvraient en effet pas le risque d’une pandémie. Pour éviter qu’une telle situation se reproduise, le gouvernement milite pour la mise en place d’une nouveau régime d’assurance. Il permettrait de couvrir les entreprises contre les pandémies comme celle du Covid-19.
Assurance pandémie (type Covid-19) : Bercy présente son projet, un partenariat public-privé
Pour ce faire, Bercy a mis sur pied un groupe de travail, qui a rendu ses conclusions mi-juillet 2020. Ouvrant la voie à une phase de concertation publique. L’idée est de créer un dispositif garantissant l’ensemble des risques exceptionnels, sur la base d’un partenariat public-privé. Le régime couvrirait donc non seulement les pandémies, mais aussi les catastrophes naturelles, les attentats terroristes, les troubles à l’ordre public (émeutes et mouvements sociaux). Il s’inspirerait fortement du régime “catastrophe naturelle” et du Gareat (Gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme).
Le réassureur public CCR récupérerait alors une partie des primes versées par les entreprises, et garantirait les risques à hauteur de cette quote-part. Le secteur privé (assureurs et réassureurs) s’engagerait sur une capacité cumulée de 2 milliards d’euros. Au-delà, c’est le réassureur public qui prendrait le relai, avec une garantie de l’Etat.
Les réassureurs doutent des 2 milliards d’euros de garanties réclamées au secteur privé
Mais le dispositif soulève beaucoup de scepticisme. Les assureurs et les entreprises l’ont exprimé les premiers. Puis le réassureur public CCR a également fait montre de prudence. Ce sont désormais les réassureurs privés qui ont émis publiquement leurs réserves.
Ils mettent ainsi en avant deux freins. Le premier est celui des fameux 2 milliards d’euros. Cette somme leur semble excessive, surtout pour couvrir un risque franco-français, alors que les réassureurs agissent au niveau mondial. « Tout dépendra du schéma retenu, des périls embarqués et du prix de cette capacité », rappelle ainsi Anne-Marie Cical, présidente du comité non-vie de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref).
Le multi-risque provoque un certain scepticisme pour les réassureurs
Second frein : ce dispositif est censé prendre en charge plusieurs risques, dont certains sont déjà couverts par les réassureurs (catastrophes naturelles, terrorisme). « Les réassureurs ont une vision globale de leurs engagements sur un risque donné (la pandémie ou le terrorisme), donc il leur sera difficile d’exprimer leurs capacités sur un régime multi-périls unique à la France. Cela aura un impact sur le coût de la couverture », met en garde Walter Eraud, DG de Swiss Re France, Belgique, Luxembourg.
« Plus le péril à l’origine du sinistre est limité, mieux on peut le modéliser et plus la capacité des réassureurs sera mobilisable. Modéliser une liste de périls non limitée n’est pas possible », alerte Catherine Bourland, DG France d’Aon Reinsurance Solutions. Ce régime pandémie continue donc de susciter de nombreuses interrogations. L’exécutif parviendra-t-il à fédérer les différents acteurs sur un dispositif commun, cohérent et convaincant ? Rien n’est moins sûr.